Les six travaux de Christian Dubé
« Tous les 15 ans, au Québec, on a une commission qui examine le système de santé du Québec », ironise le gériatre Howard Bergman, vice-doyen de la faculté de médecine de l’Université McGill. M. Bergman a lui-même fait partie de la commission Clair, qui a remis son rapport en 2001.
« On est reconnus au Québec pour écrire des politiques extraordinaires, mais ne jamais les évaluer et ne pas monitorer… Et ensuite, tout recommencer quand il y a un nouveau gouvernement. Comme dans un effort pour éviter d’être imputable… », ajoute Terry Kaufman, conseiller-expert en services de première ligne et soutien à domicile qui a travaillé dans le réseau de la santé, notamment comme directeur de CLSC, pendant 50 ans.
« Ça fait 20-25 ans qu’on propose des mesures » pour améliorer le réseau, renchérit le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Dr Gilbert Boucher. « Mais rien ne bouge », déplore-t-il.
La lecture du rapport Rochon, le plus ancien des documents que nous avons consultés, donne parfois le vertige, tant les propos qui y sont tenus pourraient être repris intégralement dans un rapport rédigé 34 ans plus tard. Voici quelques exemples.
1. « Le bilan de l’évolution des deux dernières décennies amène la Commission à conclure que le système est pris en otage par les divers groupes d’intérêt et groupes de pression, par ailleurs légitimes et nécessaires dans toute société démocratique et pluraliste. Si les tensions actuelles se maintiennent, elles risquent de faire éclater le système et de faire perdre rapidement au Québec ce qu’il a mis près de vingt ans à construire. »
2. « Les urgences des hôpitaux se sentent incapables de faire face à la demande, car trop souvent elles sont utilisées par le public comme la porte d’entrée pour obtenir des services de tout ordre. Elles se sentent particulièrement impuissantes devant les problèmes de détresse sociale et de maladie mentale auxquels elles doivent répondre et devant les nombres élevés de lits occupés par des malades en soins prolongés. »
3. « Les directeurs de la protection de la jeunesse se sentent complètement débordés. Comme les urgences, ils ont le sentiment d’être la seule porte d’entrée pour le traitement des problèmes liés à l’enfance et à la jeunesse. »
4. « Force est d’admettre que, s’il y a énoncé d’une politique claire, il arrive fréquemment qu’elle ne se concrétise pas. On fait des politiques, mais les moyens ne suivent pas, comme c’est le cas pour les services aux personnes âgées. »
5. « En fait, dans l’état actuel du climat de travail dans le réseau, compte tenu des conditions de travail de certains salariés, la qualité des soins et des services serait déplorable s’il ne restait pas une bonne dose d’empathie et de dévouement chez le personnel affecté aux soins des malades et aux services sociaux. »
Feu Jean Rochon n’a été que le premier à ausculter le réseau. Quels sont les points communs dans les recommandations de ces cinq commissions ? La Presse a fait la synthèse pour vous.